Métaphore informatique

Publié par fdidion le 7 Aout, 2009 - 21:21
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Dans le n°1, Janvier 2009, nous avons commencé la construction d'un software pour intégrer les programmes de production heureuse qui sont dans les individus. Ou du moins, nous avons esquissé une perspective selon laquelle pourrait être construit un tel software, qui ne reposerait pas sur l'échange marchand, base de la pensée économique présente (software), et base du monde économique présent (hardware).

Dans le n°2, nous avons essayé de proposer un protocole pour éprouver la validité des idées exposées dans le n°1, quand il s'agit de les vivre. Le fait que l'exposé de ce protocole n'ait pas donné lieu à la moindre expérimentation (hardware) nous prive d'un fil conducteur qui aurait été bien utile pour articuler, affiner et approfondir ces idées.

Un forum, ouvert sur le site internet de France Culture, « D’autres regards sur la crise », qui fait écho à l’émission de même titre animée par Antoine Mercier, m'a donné l'occasion de quelques dialogues sur le sujet et de francs éclats de rire devant les facéties de Charles dont la vivacité et la curiosité ont été pour moi un puissant et agréable stimulant. On peut encore consulter et même intervenir dans ce forum, où se trouve, bien sûr, du meilleur et du moins bon. Pour ma part, j'y ai posé "la question de la tourniquette" et "l'énigme de Bzurf" qui sont des remue-méninges susceptibles d'introduire à ce que j'essaye d'exposer ici. J'essayerai de les remettre en forme bientôt, ainsi que les chapitres "slips" et "la machine entre dans l'atelier" qui restent à écrire en forme d'exercices, ouverts à la créativité de chacun.

Il y a peu, Michel Onfray me faisait découvrir Guyau, hanté lui aussi par une algèbre de Boole sociologique en quête du processeur où manifester sa structure ... patience, donc. Et en attendant l'émergence de configurations sociales adéquates, voici trois fragments de bavardage sur ce qui nous intéresse, pour y accoutumer notre esprit.

 

 

Cahier d’euchrèsiologie - 3 -

Juillet 2009

          Premier fragment :

Comment produire (pour que vivent en paix 7 milliards d'humains sur notre planète), la nourriture, le vêtement, l'habitat, les soins, la mémoire et l'invention des histoires, ... ce qu'il faut de technologies du voyage pour que soient possibles les rencontres, ... de façon que ce soit un bonheur de recevoir cette production et aussi un bonheur de l'élaborer ? Voilà comment on peut poser le problème pour cesser de considérer les choses du point de vue de l'économie marchande, et penser enfin en termes d'individus humains gourmands de vie.

Pour ce qui est de ma marge de manœuvre dans l'accomplissement de ce brillant destin de l'humanité, elle est limitée : limitée par ce que je suis capable de produire et l'aptitude de ceux pour qui je veux le produire à se constituer en une forme sociale qui cesse de considérer les choses du point de vue de l'économie marchande.

J'ai posé l'hypothèse que la plus grande fécondité à venir s'accomplirait en sortant de ce qui a fait la fécondité de la période néolithique (avec l'agriculture et l'élevage), à savoir le rite de l'échange, la permutation de possession (qui consiste en une croyance partagée). J'ai donc conçu un dispositif pour mettre en pratique une production de ce que je ne destine pas à l'échange, conforme dans son principe à ce que me semble pouvoir être toute production sur terre et me permettant d'élaborer en moi-même un point de vue qui n'a rien à voir avec l'économie marchande, puisqu'il n'entre pas en contact avec l'autre par l'échange, dont le développement, par l'intermédiaire de la monnaie, mène au marché.

En d'autres termes il s'agit de passer de la question " voilà ce que j'ai fait pour toi, et toi que fais-tu pour moi?" qui est l'essence ou la source de l'échange, à la question "voilà ce que j'ai fait pour toi, ce dont tu peux user, et toi que fais-tu pour d'autres, dont d'autres pourront user?" Ce nouveau point de vue nous place côte à côte dans la contribution à la formation d'une société. Si l’alchimie opère, les propositions formulées devraient devenir : «  Voilà ce que j’ai fait pour nous, ce dont tu peux user, voilà ce que tu fais pour nous, ce dont chacun de nous peut user ». Mais l’alchimie n’opère pas par décret, il faut forger les bons outils, apprendre à s’en servir. Parmi les outils nécessaires au dispositif socialisant qui s'appuie sur ma propre puissance de production, certains doivent permettre d'exprimer une mesure de sa valeur. Quelles en sont les caractéristiques ?

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          Deuxième fragment :

Par quels processus une civilisation de la frugalité se constituera-t-elle ?

A partir de quelles facultés et de quels comportements humains peut-elle cristalliser ?

Comment dégager une vision partagée, cohérente, en laquelle chacun puisse lire une expression de son rêve personnel, présent dans ses actes ? - Je parle de la vision communicable d'un projet commun, à mettre en œuvre maintenant dans une initiative personnelle délibérée, bien lisible dans ce que chacun peut mettre en œuvre maintenant en toute autonomie -

Dans la perspective des tempêtes à venir, il serait judicieux de mettre au point des protocoles utilisables par chacun, partout, à profusion, pour manifester une intention vers cette civilisation et éprouver sa présence, satisfaisante, dès qu'un acte personnel la construit. Mettre au point des protocoles évolutifs qui tendent à former les processus souhaitables ...

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          Troisième fragment :                    

Une société est un ensemble d'individus, caractérisé par le fait que chacun d'entre eux est appelé à participer à la cohésion de l'ensemble.

Produire un facteur de cohésion de l'ensemble, c'est produire quelque chose de bon pour au moins un des individus qui le composent, et non nocif pour d'autres.

Le sentiment d'appartenance à une même société équivaut à une perception claire d'être concerné par un même appel.

L’appel à participer à une société exprime une adoption : une invitation à produire ce dont un membre au moins de cette société pourra faire usage.

Entre le temps de l’adoption et le temps de la mise en œuvre effective d’une production bénéfique, un temps d’ajustement réciproque, d’harmonisation des différents sentiments, prend place. C’est le temps de la maturation.

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Voilà tout ce que j’ai pu tirer, pour cette fois, de dizaines de pages de notes que j’aimerais intégrer dans une perspective lumineuse. Mais il faut du temps, là aussi temps de maturation, de la patience dans l’expérience, et le travail qu’exigent les mots, tout juteux de sens imprévus dans le fil d’une pensée, que pourtant il faut tous prendre en compte, n’est pas la moindre difficulté.

réponse

Cher Monsieur Didion,

C'est avec une certaine émotion que je viens de prendre connaissance, comme promis précédemment, de votre premier billet.

Votre vision me semble maintenant plus claire en ce qui concerne le terme "d'échange non marchand".

En fait je craignais, faute peut-être de l'avoir bien compris dans la réponse que vous m'aviez faite lorsque je m'adressais à Monsieur Ballay, que votre rêve d'une société dépourvue d'échange marchand viendrait, si elle était créee, à faire cesser toutes relations préexistant entre ses membres.

Possédant une petite culture scientifique, j'ai pu me rendre compte que l'Univers tout entier est gouverné par des échanges (les quatre interactions fondamentales) mais aussi par l'entropie. C'est ce qui fait sa force, sa cohésion. Les sociétés n'y échappent pas bien évidemment.

Mais maintenant, à la lecture des questions simples qui sont posées, tout devient beaucoup plus lumineux. J'adhère pleinement, intellectuellement dans un premier temps, à votre vision d'avenir.

D'autant que je la pratique déjà moi-même, bien sûr à une échelle restreinte. Pour autant, je ne rejette pas totalement l'échange marchand s'il s'établi sur le principe du service rendu et du "renvoi d'ascenceur". Si l'échange inclut une donnée pécuniaire, il est systématiquement mis à l'écart. Il m'arrive également de mettre en application le principe du "voilà ce que j'ai fait pour toi, ce dont tu peux user, et toi que fais-tu pour d'autres, dont d'autres pourront user?".

Jusqu'alors, je pratiquais inconsciemment ce type d'échange dans le quel je ne sollicitais rien de personnel en retour. Désormais, je tâcherai de le généraliser dans mes relations avec mes proches. C'est une expérience extrêmement enrichissante et qui m'a valu, j'en suis convaincu, les très belles rencontres dont je suis si friand.

A bientôt Monsieur Didion, je continuerai de porter une attention toute particulière à vos idées et soyez assuré que je vais lire le reste de vos billets.

Je souhaite que nous continuions à communiquer.

Amicalement Dom.

Cher Monsieur Pastor,

notez bien que je n'emploie jamais le terme "d'échange non marchand". Je n'emploie le mot échange que dans sa signification de troc, ou d'échange monétaire, car même si on le qualifie de "non marchand", le mot "échange" garde une connotation de réciprocité et de conditionnalité.
La question que je pose est très clairement: à quelles conditions une production peut-elle être attribuée à quelqu'un sans attente d'aucune réciprocité? Je pose cette question d'abord pour entendre les réponses que j'ai anticipées, et aussi celles auxquelles je ne m'attendais pas. Pour ce qui est des réponses anticipées, l'intérêt est dans la façon particulière dont elles seront formulées. Ensuite, je saurai mieux élaborer ma réponse. La voici, resserrée de la façon la plus synthétique possible, telle que je me la formule aujourd'hui à moi-même : ma production peut être attribuée à quelqu'un sans attente de réciprocité si j'ai le sentiment que mon acte peut être prolongé par cette personne de quelque façon que ce soit, et peut-être sans qu'elle en ait conscience. A l'appui de cette formulation, l'observation la plus universelle est la façon dont chacun de nous prend soin de ses enfants, quand il est à la hauteur du personnage de parent qu'il est bon qu'il incarne.
Au plaisir de poursuivre cette conversation,
bien amicalement, Francis.

Francis.