Financiarisation (court-termisme)
Si la finance est bien un commerce de promesses, alors il fait partie de sa définition que ces promesses puissent ne pas être tenues. Il ne faut pas se mentir : les crises du capitalisme, comme celle de 2008, font partie de son fonctionnement.
La véritable question philosophique à propos de la finance est de savoir que faire de cette idée selon laquelle il y aurait la sphère réelle des affaires humaines d’un côté, et cette sphère financière, parfois qualifiée de « virtuelle », de l’autre. Toute spéculative qu’elle est, la liquidité financière a des conditions ou des prothèses techniques bien réelles, tout comme elle a des effets bien réels, des effets « économiques », au sens étroit (elle ne spécule pas sur des valeurs qui lui préexistent, elle les crée, elle fixe les prix), et au sens large (puisque, par exemple, elle dicte un « gouvernement d’entreprise » et un « individualisme patrimonial »).
La finance n’est pas une sphère de spéculation fermée sur elle-même, c’est la logique même de notre mode de gouvernementalité néolibérale qui ne cesse d’intervenir dans notre vie quotidienne. La finance c’est le temps individualisé de l’endettement à la consommation et de l’assurance des risques, c’est le temps du crédit et le crédit en général c’est l’organisation de protentions. « La financiarisation du monde, écrit Bernard Stiegler, tout comme le modèle consumériste qu’elle accompagne, est devenu systématiquement court-termiste ; or, une tendance court-termiste parfaitement réalisée conduit à la destruction du temps des rétentions que sont les savoirs aussi bien que des protentions que sont les investissements ».
Les actifs financiers actuels, transformant en fin ce qui n’était initialement qu’un moyen (à commencer par la monnaie), ont découplé la richesse de l’investissement, au point que la finance a perdu toutes ses racines (étymologiques) : non seulement notre confiance (fidus), mais encore toute fidélité (fides).