Mineur/majeur
Dans un texte très célèbre (Qu’est-ce que les Lumières ?, 1784), Kant définit l’esprit des Lumières comme la sortie hors de l’état de minorité, ce qui implique de se libérer de toutes tutelles. Est mineur celui qui délègue sa responsabilité (celle de sa pensée, celle de son soin) à des autorités (le maître, le prêtre, le médecin… ou la télévision). Est majeur celui qui prend soin des mineurs (y compris de sa propre part restante de minorité) pour les élever vers la majorité, vers l’usage critique et public de sa raison.
Le malaise de notre époque est que les mineurs y sont traités comme des majeurs (ce que révèle la récente loi sur la récidive des mineurs), tandis que les adultes s’y comportent comme des mineurs (ils délèguent leur responsabilité bien facilement). Traiter les mineurs comme des majeurs, c'est nier la différence entre les générations. Le seul et véritable « remède » à la délinquance n'est ni la répression ni même la prévention seulement sociale : il suppose de reconstituer ce qui a été détruit par le consumérisme, à savoir les appareils sociaux (les institutions) de transformation des pulsions en investissements, c’est à dire en énergie libidinale, par exemple à travers ce que Freud nommait l'« identification primaire » laquelle est précisément détournée par les industries culturelles captant d'une part l'attention des enfants et organisant d'autre part la régression de leurs parents au statut de consommateurs pulsionnels.
Comme Patrick Le Lay qui revendiqua le cynisme systémique qui constitue le principe de fonctionnement des industries culturelles, la chaîne Canal J a explicitement revendiqué ce détournement de l’identification primaire, en ridiculisant sur une affiche publicitaire un père et un grand-père aux yeux de leur enfant, par la télévision qui est amenée à les remplacer.