Misère (symbolique)
La misère n’est pas seulement matérielle mais symbolique, et chacun sait qu’une richesse matérielle peut être accompagnée d’une misère symbolique. La misère matérielle ne doit pas être pensée indépendamment de la misère symbolique, non seulement parce que la pauvreté matérielle des uns semble la conséquence du sous-développement symbolique des autres, mais aussi parce que la misère symbolique est ce qui transforme un pauvre en misérable. De la pauvreté à la misère, il y a un pas qui ne concerne pas seulement le niveau de richesse.
La misère symbolique est la perte d’individuation qui résulte de la perte de participation à la production de symboles, fruits de la vie intellective et de la vie sensible. La misère symbolique s’accroît depuis le tournant machinique de la sensibilité (la culture comme production industrielle), accompagnant le tournant machinique de la politique (la représentation politique comme production industrielle).
Un électeur du front national vit dans cette misère, et il est misérable en ce sens. Mais exclure cette misère est méprisable – et d’ailleurs, personne n’y échappe, quoi qu’il puisse voter ou s’abstenir de voter. Lutter contre cette misère suppose de lutter contre le populisme industriel, et non seulement de déclamer le répertoire de ceux que Hegel nommait « les belles âmes ».