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MACABRES STATISTIQUES
Selon le bilan de l’Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière, « 3464 personnes ont perdu la vie en 2015 sur les routes de la France métropolitaine ». Or, tous les jours, nous embarquons sans peur dans nos voitures, sans penser que nous allons être victime ou responsable d’un accident mortel.
Sans doute parce que nous considérons, d’une part, que le risque que nous soyons personnellement touchés est statistiquement tellement faible qu’il n’y a pas lieu de se faire du souci d’avance. Et parce que nous avons, d’autre part, intégré consciemment ou pas que c’est le prix à payer pour le formidable progrès que représente l’automobile par rapport à la marche à pieds ou aux randonnées équestres de nos ancêtres. Même si, à l’époque, un bon coup de sabot ou une chute de cheval faisaient partie des éventualités pour passer de vie à trépas. Ce qui n’empêchait personne de chausser ses brodequins ou de sauter en selle sans souci.
Mais pourtant nous avons peur d’être victime de ce que l’on a nommé « le terrorisme », même si nous savons qu’au cours de la même année 2015, en face des 3464 tués par l’automobile, son bilan macabre ne dépasse 147 morts : 12 pour Charlie, 5 pour l’Hyper Casher, 130 pour le Bataclan. Donc, risque statistique voisin de zéro !
Et que penser si on le compare aux 78000 morts annuelles, -plus de 200 par jour !-évitables ou prématurées, provoquées par le tabagisme selon le Ministère de la Santé ? Certes, si l’on considère que ce sont les fumeurs eux-mêmes qui se tuent en fumant, on peut estimer qu’il s’agit de suicides, d’actes kamikazes. Mais restent les 5000 fumeurs passifs qui meurent chaque année : ils sont bien les victimes d’un geste criminel qui attente à leur vie.
Or, chaque jour, des millions de personnes allument tranquillement leurs clopes sans penser aux 200 morts qu’ils vont provoquer et dont ils risquent de faire partie, pour le plus grand bénéfice des actionnaires de l’industrie du tabac.
Puis survient l’attentat de Nice, qui fait plus de 80 morts, puis d’autres encore. Après chaque attentat les libertés diminuent parce que la peur augmente, mais pas la probabilité d’en être victime. Par rapport à quelques-unes des façons de passer l’arme à gauche que nous avons évoquées, il reste statistiquement voisin de zéro. Et encore, avons-nous passé sous silence les dangers de la pollution, de la malnutrition ou du dérèglement climatique !
Pourquoi cette peur irraisonnée ? Je crois que c’est parce que nous ne voulons pas admettre que ce « terrorisme » n’est pas autre chose que l’effet mécanique de la perte du sens, provoquée par la triple action de la financiarisation qui exacerbe les inégalités, du consumérisme qui transforme le désir en pulsion et par la dématérialisation qui fait disparaître les frontières du réel.
Même si ce « terrorisme » est une horreur, il n’y a aucune raison d’en avoir peur mais toutes les raisons de se garder de la montée en puissance de ces trois forces qui portent en elles-mêmes la destruction de tout ce que l’humanité a patiemment tenté de créer et qui porte un nom simple : la démocratie.
C’est elle qu’il faut défendre, ici, partout et tout le temps car c’est notre seule arme.
Toni Casalonga
27/07/2016