association internationale pour une politique industrielle des technologies de l'esprit
Remonter dans les temps anciens et relire nos précédents : cela suffirait à justifier notre colère présente. Mandelstam avait d'autant plus raison, ajoutant : "La sensibilité des poètes les prédispose à la catastrophe".
Elle nous entoure, elle veut nous absorber cette catastrophe : mais dans ce désarmement intellectuel généralisé, nous sommes en fureur. Et nous sommes vent debout devant cette politique d'empoisonnement progressif que constituent ces quatre récentes attaques : menace estivale contre la commission poésie du CNL, anéantissement programmé de la Maison de la poésie de Paris, menace financière contre le Printemps des poètes, rumeur orchestrée depuis le salon de Francfort contre le Marché de la poésie à Paris.
Cela fait beaucoup, en peu de temps. Mais nous ne sommes pas anéantis. Nous sommes mithridatisés, depuis longtemps. Quoi qu'on pense de ces quatre lieux de poésie, il y a quelque chose d'un "comble" à constater que ces attaques viennent alors même que certains ont mis de l'espoir dans un nouveau gouvernement. Est-ce la gauche le fossoyeur de la poésie ? Veut-elle cela ? Est-ce la gauche qui veut faire la guerre à la poésie ?
Oui, Mandelstam a raison. Et Ritsos donc ! Elle n'a "jamais le dernier mot mais le premier toujours" la poésie. Mais pour cela, il y faut des poèmes, et des poètes. Rien à voir avec les petites fleurs et les oiseaux.
Nous devons nous mêler de ce qui nous regarde : cette guerre-là, ce grand silence épais qu'on veut faire de part le monde nous regarde. En face. Car nous sommes toujours les premiers à dire, à alerter, à écrire ce que personne n'écrit.
D'ailleurs si nous n'étions pas les premiers – avant la philosophie – voudrait-on nous faire taire ? Y aurait-il autant de coups ? Autant de rumeurs ? Autant de coups d'Etat contre des associations de poésie ?
La grande couverture médiatique qui prend des vessies pour des lanternes ne nous aide pas. Elle prend la poésie de gare – de celle qu'on lit et qu'on laisse sur le siège à la fin du voyage – pour le poème, et a perdu tout jugement critique.
Au lieu de regarder ce qui se passe dans les institutions : car c'est toujours par l'institution – ou son manque – que les politiques gouvernent.
L'indigence des médias et leur bêtise en matière littéraire (à quelques exceptions près bien sûr) n'a d'égal que le scandale politique qui nous assaille depuis quelques mois.
Nous n'avons pas besoin d'une énième scène littéraire. La poésie n'est pas du spectacle. La poésie n'est pas de "la littérature". Elle est un cœur guerrier, battant, bataillant. Ce n'est pas un "petit milieu" la poésie. C'est le creuset d'une langue, quelle que soit cette langue. Quoi qu'il arrive. Elle hurle toujours. Et nous sommes des clandestins, par ces temps "d'ombre misérable".
© Dominique DOU – 20 octobre 2012